Retour sur la sortie aux Aiguamolls en Catalogne espagnole

Le 13 février dernier, Sortie 34 de l’A9, 6h45 du matin, les voitures démarrent sous un ciel bien chargé. Au fil des kilomètres, le temps ne s’arrange pas, pluie, gros nuages noirs sur les Albères. Blancheur immaculée de la chaîne des Pyrénées. Au-delà de la frontière, le ciel est bien gris au-dessus de Rosas (Roses en catalan) mais par chance il semble que le Parc naturel d’Els Aiguamolls de l’Empordà soit juste à la limite d’un temps plus clair et nous restons confiants d’arpenter ce lieu magnifique sous un ciel clément.

Les marais de l’Empordà occupaient jadis presque toute la plaine de la baie de Roses et la partie basse du fleuve Ter. Les Grecs s’y arrêtèrent dès le VIème siècle avant J.C., s’établissant sur une île située parmi les anciennes embouchures des fleuves Fluvià et Ter, où ils créèrent par la suite le port d’Empuries qui devint une des plus grands ports de la Méditerranée antique.

La vaste zone marécageuse disparut peu à peu, principalement à cause de l’expansion agricole. Les lacs d’eau douce, encore présents au XVIIIème siècle, disparurent à leur tour puis, à partir des années 1950 la construction d’installations touristiques - complexes résidentiels et surtout aménagement du plus grand port de plaisance d’Europe, Empuriabrava (30km de canaux navigables) - aggrava la dégradation.

Les derniers marais furent sauvés in extremis de l’appétit des promoteurs immobiliers grâce à une mobilisation populaire débutée en 1976 sous le slogan « Les derniers marais de l’Empordà en danger ». Le 13 octobre 1983, une loi votée à l’unanimité par le Parlement catalan, déclara 4730 hectares dont 825 protégés intégralement, « Zone Naturelle d’Intérêt National et Réserve naturelle des marais de l’Empordà ».

Le Parc naturel est divisé en deux régions - deux polygones – qui comprennent trois zones de Réserve intégrale. Entre ces deux polygones, se situe le complexe touristique d’Empuriabrava.

Espace de vie partagé entre la nature et l’homme, le Parc est une mosaïque d’écosystèmes interdépendants mais bien distincts : la mer, les plages et sablières côtières, les lagunes saumâtres littorales (les llaunes), les prés de pâturage – ou closes - entourés par des canaux de drainage, encerclés d’arbres rivulaires (ormes, frênes, peupliers, aulnes…), les lacs (restes des anciens lacs et ceux nouvellement créés) et marais d’eau douce, les rivières (Muga et El Fluvià), ruisseaux et canaux, les cultures (riz, maïs, tournesol, arbres fruitiers), les Aspres, terrains vallonnés du nord-est (vignes, pâturages, forêts de chênes lièges, verts, rouvres, de pins) et les zones habitées (fermes, basses-cours…).

On y dénombre plus de 300 espèces d’oiseaux, sédentaires, hivernants ou de passage. Pendant les périodes de migration des milliers d’oiseaux utilisent ces différents milieux comme lieu de repos et d’alimentation. Et si 82 espèces y nidifient de façon régulière, malheureusement, la Sarcelle d’été (symbole du Parc naturel) et la Pie-grièche à poitrine rose, autre espèce emblématique du Parc, ne s’y reproduisent plus depuis respectivement 1997 et 2001.

Nous avons parcouru les sentiers du polygone situé au sud d’Empuriabrava, entre les rivières Muga et El Fluvià. Autour du parking du centre d’information, les claquements de bec des Cigognes blanches sur leur nid accueillent les visiteurs. Une Buse variable se tient droite dans un frêne bordant le parking. Un Râle d’eau se faufile sous les buissons. Les Serins cini, les Pouillots véloces chantent à tue-tête.

Au premier observatoire, la magie est au rendez-vous : la lagune d’eau douce El Cortalet accueille plusieurs centaines d’oiseaux. L’occasion pour les novices de découvrir nombre d’espèces, des Sarcelles d’hiver aux Grèbes castagneux en passant par les Vanneaux huppés, les Bécassines des marais, les Grandes Aigrettes, les Tadornes de Belon, les Oies cendrées, une Grue cendrée… Les aguerris, tournant fébrilement les pages du Guide ornitho, révisent leurs connaissances : Canard chipeau, Canard siffleur, Canard pilet, Canard souchet, Canard colvert, mâle, femelle… Jumelles, longues-vues, petits carnets, questions,  guides…questionnements…  le plaisir de découvrir, d’admirer, de partager est à la hauteur des espérances !

Sur une souche à quelques mètres du bord, une Émyde lépreuse, immobile, se chauffe au soleil.

De l’observatoire suivant, une autre vue sur la lagune et une belle lumière enchantent le groupe. Les plumages paraissent encore plus beaux, plus colorés ou plus immaculés. Deux oiseaux inconnus sous nos latitudes, attirent vite l’attention : deux Ouettes d’Egypte déambulent parmi  les Hérons cendrés : c’est pour la plupart d’entre nous la première observation de cet oiseau d’origine africaine, espèce invasive en pleine expansion en Europe.   Sur une langue de terre deux daims (espèce introduite en 1987) se reposent à l’ombre d’arbustes.

Le soleil monte dans le ciel bleu. Il fait même chaud ! Dans la végétation, le long des sentiers bordés de roubines, les passereaux s’activent : Mésanges charbonnières, bleues, Moineaux domestiques, Chardonnerets élégants, Fauvettes à tête noire, Troglodyte mignon, Rougequeue noir, sans oublier le très familier Rougegorge … et les cris explosifs des Bouscarle de Cetti. Profitant du temps clément un Citron de Provence Gonepteryx cleopatra au vol rapide virevolte autour des buissons. C’est l’une des 71 espèces de papillons diurnes répertoriées dans le parc.

Dans les prairies entre l’Estany del Cortalet et El Matà où paissent bovins et chevaux, de nombreuses Cigognes sont sur les nids, certaines paradent. Les Busards des roseaux survolent les roselières entourant les lagunes d’eau saumâtre proches de la mer, des Grands Cormorans filent vers un mystérieux rendez-vous. Une Lusciniole à moustaches chante.

Les prairies inondées autour de la Torre del Matà captivent les observateurs : Pipits farlouses, Barges noires, Pluviers dorés, Chevaliers arlequins, Bécassines des marais, Vanneaux huppés, Bécasseaux sp, Ibis falcinelles, Courlis cendrés, Râles d’eau…

Le temps s’est arrêté… mais il faut songer à pique-niquer avant quelques dernières belles observations et le retour (sans problème à la frontière, comme à l’aller).

 Comme toujours aux Aiguamolls, ce fut une journée magnifique : nombreuses et belles observations (54 espèces vues ou entendues) magnifiées par la convivialité, l’amitié et le beau soleil. Dommage que le mauvais temps annoncé en France ait découragé la venue de nombre d’adhérents !

Micheline Blavier

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