Coches lattoises
Ce dimanche 16 janvier 2012 après midi, nous étions neuf à nous retrouver à Lattes pour revoir ou découvrir l'avifaune hivernante ou sédentaire de ces zones humides dont une grande partie est classée en réserve. Comme prévu par météo France, le temps était au beau et le vent quasiment nul, contrairement aux jours précédents où le fort vent du nord a chassé l'eau des roubines et mis partiellement à sec les pièces d'eau les moins profondes.
Première observation de bon augure, trois ou quatre moineaux friquets (Passer montanus), espèce plus petite et plus rurale que son cousin le moineau domestique. Il s'en différencie par une calotte marron chocolat et des joues blanches avec une espèce de virgule noire. Cette espèce cavernicole niche en colonie, ce qui implique de nombreuses cavités assez proches dont la raréfaction est cause de son déclin. Le friquet est classé quasi menacé selon l'UICN.
Dans le même secteur, en dehors des limites de la réserve, sont présents : rougequeue noir (Phoenicurus ochruros), rougegorge familier (Erithacus rubecula), bruant jaune (Emberiza citrinella), pinson des arbres (Fringilla coelebs), chardonneret élégant (Carduelis carduelis), étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris), mésange charbonnière (Parus major), bergeronnette grise (Motacilla alba), pouillot véloce (Phylloscopus collybita) et merle noir (Turdus murela). Une buse variable (Buteo buteo) nous survole. Un troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes) s'affaire au pied des roseaux. Des cris typiques nous font lever la tête : juste au dessus de nous un couple de perruches à collier (Psittacula krameri) se bécote effrontément sans se soucier des ornithologues (un peu voyeurs ?) dont pour certains c'est la première observation.
Première arrêt à l'observatoire situé à proximité de la halte cavalière : on peut y observer quelques vanneaux huppés (Vanellus vanellus), cinq aigrettes garzettes (Egretta garzetta), sept hérons cendrés (Ardea cinera), deux pies bavardes (Pica pica) et un tarier pâtre (Saxicola rubicola) perché sur la barrière, à l'affut de proies invisibles pour nous, capturée en plongeant dans les herbes. Barbotent dans la pièce d'eau de nombreuses sarcelles d'hiver (Anas crecca) avoisinant des colverts (Anas platyrhynchos) et des tadornes de Belon (Tadorna tadorna). Aucune trace du martin-pêcheur d'Europe (Alcedo atthis).
Le groupe se scinde en deux et pendant qu'une partie reste sur place, l'autre poursuit la sortie. Au passage nous saluons les cigognes blanches (Ciconia ciconia) dont on commence à entendre les claquements de bec. Un pipit farlouse (Anthus pratensis)) s'envole sous nos yeux. Déception à l'observatoire près de la Maison de la Nature où, comme disent les ornithos dans leur jargon, « c'est la zone », c'est à dire que les piafs ont déserté le coin. Décision est prise de continuer vers l'observatoire situé sur le sentier du flamant rose.
Dans les bassins de décantation de l'ancienne station d'épuration, quelques foulques macroules (Fulicula atra) nagent en cercle. Au milieu du chemin bordé de phragmites, deux passereaux grappillent quelques graines à même le sol au milieu de l'herbe rase. Ce sont des bruants des roseaux (Emberiza schoeniclus) peut-être des femelles car avant hier j'ai observé trois mâles déjà en plumage nuptial aux cabanes de Mauguio (1) : tête et gorge noire. Nous resterons un long moment à les observer car c'est encore une nouvelle coche pour certains. Une ou deux mésanges bleues (Cyanistes caeruleus) n'échappent pas à notre vigilance. Plus tard, le cri d'un cochon qu'on égorge éclate : pas de doute, un râle d'eau (Rallus aquaticus) est tout proche. Cet habitué du secteur ne se montrera pas.
Une famille de ragondins (Myocastor coypus), adultes et jeunes, ne semble pas effrayée par notre présence et continue à grignoter rhizomes et divers végétaux.
Nous voici enfin arrivés au dernier observatoire. Le soleil est déjà bas sur l'horizon, inondant d'une vive lumière la pièce d'eau s'étendant de nos pieds jusqu'à la haie de phragmite qui prend des teintes mordorées. Sur notre droite un groupe de mouettes rieuses (Chroicocephalus ridibundus) flotte sur l'onde. Quelques gallinules (Gallinula chloropus) s'agitent dans l'herbe au pied de la roselière. Un héron cendré, figé, attend sa provende. Sur notre gauche un petit groupe de sarcelles d'hiver semble au repos, mais quelques individus filtrent encore la vase à la recherche de nourriture. Les mâles sont magnifiques avec leur tête rousse, la large bande verte sur la joue et la tâche jaune bordée de noir sous la queue. Les femelles sont plus petites et leur plumage beige et brun. On à peine à croire que cet élégant anatidé soit classé gibier. Le canard d'élevage serait-il absent des étaux du marché ?
Presque au milieu de la lagune trône une magnifique grande aigrette (Ardea alba) au plumage immaculé et au bec jaune. Nous ne nous lassons pas d'admirer cet ardéidé de la taille du héron cendré. L'envol subit des laridés nous rappelle qu'il se fait tard. Sur le chemin du retour, nous avons la chance d'apercevoir un épervier (Accipiter nisus) au vol rapide et direct qui s'empare sous nos yeux d'un passereau. La lunette nous permet de lire la bague d'une cigogne blanche : IVCA. Dernière surprise quelques canards souchets (Anas clypeata) se sont posés devant le premier observatoire. Pour certains, c'est l'occasion d'apprendre à les différencier des tadornes. Seul manque à notre liste le canard chipeau (Ana strepera), pourtant souvent présent dans ce coin.
Le froid commence à piquer et la pénombre s'installe. Il est temps de rentrer. Jehan L'Aucèl
(1) De même une mouette rieuse avait une calotte presque entièrement noire...