Les grands prédateurs

Les grands prédateurs

Le loup est revenu !

Entre inquiétude, haine et jubilation pourquoi le loup déchaine t-il tant les passions ? La soirée du 12 juin 2015 lui sera consacrée et nous tenterons d'y voir plus clair grâce à Camille Fraissard, salariée au pôle conservation LPO Hérault, diplômée d'éthologie animale en Suède qui a étudié et suivi des loups notamment pendant 7 mois en Russie. Elle œuvre pour une meilleure connaissance de l'animal et une meilleure anticipation des risques en vue d'une amélioration de sa cohabitation avec l'homme.

Le loup appartient à l'espèce canis lupus. C'est un carnivore opportuniste, ce qui ne lui sera pas forcément favorable, il était présent dans le monde entier et dans tous les milieux avant d'être exterminé dans certaines régions du globe. Il vit en meute et dispose de moyens de communication très élaborés. Son régime alimentaire est varié, mais il se nourrit à 80% de proies sauvages, également toutefois de végétaux (surtout les plus jeunes) et d'insectes.

Pourquoi cette image du grand méchant loup lui colle t-elle à la peau en France particulièrement? Là où les troupeaux ne sont pas protégés, les bêtes  représentent des proie faciles en été. Les animaux sauvages montent plus haut dans les alpages trouver leur alimentation. Mais cela n'explique pas tout.

C'est dans l'histoire qu'il va falloir fouiller et le christianisme n'y est pas pour rien. Ainsi le loup va être associé au démiurge, il devient symbole de débauche, de méchanceté, celui qui s'attaque à l'agneau, le doux, à la blancheur immaculée qui suit le pasteur, à savoir Dieu.

Depuis, les contes et légendes ne font qu'entretenir cette image très présente notamment dans la littérature enfantine.

En 812 débute sa persécution avec la création de la louveterie par Charlemagne qui a pour but de détruire les loups systématiquement et de façon organisée.

Ailleurs dans le monde l'image du loup n'est pas aussi négative. Dans certains contes russes, il est la monture du chevalier, il est en Italie aux origines de Rome, il sera dans le livre de la jungle celui qui prend soin de Mowgli, le petit d'homme.

En France, après son extermination dans les années trente, il revient par l'Italie dans les années quatre vingt dix.

La convention de Berne, instrument juridique international contraignant dans le domaine de la conservation de la nature, impose la protection du loup en 1979. Celle ci est transcrite dans le droit français en 1989.

En 1992, le loup est aperçu pour la première fois sur le territoire français. L'arrêté ministériel du 22/07/1993 vient protéger l'espèce en France. Il ne pouvait plus alors être capturé ni éliminé.

Aujourd'hui la croissance du loup est de 20% par an et l'on compte environ 300 individus sur le territoire.

Depuis 2010 des dérogations préfectorales aux interdictions de destruction de loups se multiplient

Elles visent à prévenir des dommages aux élevages s'il n'existe pas de protection satisfaisante et si l'effarouchement est insuffisant.

Le loup est un animal intelligent, adaptable, qui sait trouver les failles alors, il n'est pas facile de le dissuader d'aller marauder quelques brebis dans des troupeaux.

Des moyens de protection sont expérimentés et donnent des résultats positifs lorsqu'ils sont cumulés: les filets, les parcages de nuit, les bergers et les chiens de protection qui représentent une réelle force de dissuasion par leurs corpulence et aboiement. Le problème est que leur capacités de dissuasion s'exerce aussi sur les randonneurs et autres utilisateurs de la montagne...

Un certain nombre d’éleveurs aujourd’hui se protège et certains se protègent ‚“mal“ ou ne se protègent pas ce qui expliquent encore les différences d’efficacité de moyens de protection voire les échecs de réussite et les prédations à répétition. Sans oublier toutefois que ces moyens ont aussi atteints parfois leurs limites dans certains contextes géographiques et de système d’élevage ce qui peut aussi expliquer des situations problématiques avec des taux élévés de prédation.

Ainsi en 2013, 1434 "contrats de protection" ont été cofinancés par l'Etat et l'Europe alors que les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes comptabilisent déjà à elles seules 6000 exploitations. Les contrôles sur ces moyens de protection ne sont apparemment pas non plus très fréquents.

Si le loup a bien tué 8226 brebis en 2014 , il ne faut pas non plus oublier qu'environ 400000 sont victimes chaque année de maladie, d'accidents ou de la foudre. D'autre part, même s'il représente un souci supplémentaire pour les éleveurs, la filière de l'élevage ovin n'a pas attendu le retour du loup pour être en difficulté. Les éleveurs ne sont pas les seuls garants de la conservation et de l'entretien des pâturages, même s'ils y contribuent, la présence d'énormes troupeaux peut aussi avoir des conséquences néfastes sur la biodiversité.

Alors si l'on trouvait aux loups quelques avantages, que pourrait-on dire ?

Il est un équarisseur naturel et prévient ainsi les risques d'épizooties. D'autres espèces viennent se servir sur ses proies, il favorise alors la biodiversité et la propagation des fleurs. Il prédate les animaux les plus faibles ou les morts, il n'est donc pas un concurrent des chasseurs. Il régule les populations d'herbivores et limite ainsi leurs impacts sur la végétation.

Il nous permet aussi de nous interroger sur notre place sur la planète et sur celle que nous voulons bien laisser aux autres. N'oublions jamais que nous sommes tous en interdépendance et que la destruction de l'un aura à plus ou moins long terme des conséquences sur l'autre.

Le plan d'action national loup pour 2013-2017 définit la politique de l'Etat relative au loup.

Il indique plusieurs degrés d'intervention en cas de dérogation : des tirs d‘effarouchement, des tirs de défense en vue de protéger le troupeau et des tirs de prélèvement confiés à l'ONCSF. Le nombre de loups pouvant être tués est fixé chaque année : pour la période de juillet 2014 à juin 2015, le nombre maximal d'abattages autorisés par dérogation, objet d'un arrêté préfectoral de destruction, est en augmentation, il est fixé à 24. Dès que le seuil de 20 loups tués est atteint, le plafond peut être relevé dans la limite de 12 spécimens. Si le tir de prélèvement est supervisé par l'ONCFS et qu'il est confié à ses agents ou à des gardes assermentés il peut aussi être confié à des chasseurs ayant reçu une formation. L'abattage peut se faire d'autre part hors de la zone autour du troupeau menacé. Ne risque t-on pas de voir apparaitre quelques glissements?...

Or les tirs de prélèvement peuvent avoir des conséquences très graves sur la meute. Chaque individu y a une place spécifique et l'absence d'un individu peut déstructurer la meute et produire des effets néfastes avec notamment des chasses plus individuelles donc la recherche de proies plus faciles à capturer, à savoir les troupeaux qui ne seraient pas ou peu gardés et protégés.

Si l'on rêve d'une possible cohabitation, on peut se réjouir de voir l'image du loup changer dans

la littérature pour enfant. Des loups gentils (même s'ils restent sauvages) qui ne cherchent plus à manger les petits enfants apparaissent, la peluche qui accompagne ces derniers peut aussi être un loup. Alors puisque l'image négative s'est propagée à travers les contes et les légendes une image plus sereine est peut-être en train d'émerger. Sans doute faudra t-il du temps, de la patience, et aussi la révision d'une certaine façon d'être au monde et d'y être avec d'autres. Guyveline

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