Jusqu’où la bétonisation?

Jusqu’où la bétonisation?

Nous étions 13 ce 7 avril 2017 autour de Nicolas Saulnier, directeur de la LPO pour constater l'inexorable progression de la bétonisation en France ces 20 dernières années et spécifiquement dans l'Hérault.

Mais plutôt que de bétonisation c'est d'artificialisation que nous allons parler.

Celle-ci englobe à la fois les constructions mais aussi les stabilisations du sol, l'agriculture, les canalisations, les terrains de sport...

Depuis 1992 en France, l'artificialisation est en hausse même si on constate une légère tendance à la baisse depuis 3 ans. Les surfaces agricoles ainsi que les surfaces sans usages diminuent également.

Dans l'Hérault, il faut savoir qu'une génération a autant urbanisé que les 33 précédentes et 62% des terres consommées l'ont été sur la plaine littorale.

Entre 1962 et 2013 la population a doublé et la tache urbaine triplé.

La plaine littorale héberge 80% de la population du département, population qui a eu tendance à s'étendre plus qu'à se concentrer autour de 3 zones : Montpellier, Béziers et Agde.

Or il s'avère que le littoral est une zone refuge pour les espèces et donc celle où se concentre le plus la biodiversité.

Qu'elles sont donc les conséquences de cette artificialisation ?

La déconnexion de l'homme avec la nature, peut provoquer des troubles chronobiologiques, psychomoteurs, des dépressions.

Les risques naturels comme les inondations sont accrus. L'évaporation étant moindre, les écoulements beaucoup plus forts, les infiltrations difficiles.

L'absence de végétation et donc de racines qui stabilisent le sol le fragilise.

On constate alors une intensification des coulées de boue. Des îlots de chaleur caractérisent les villes qui sont confrontées de plus en plus souvent à des épisodes de canicule.

Ces phénomènes entrainent la perte des ressources agricoles et alimentaires.

Des habitats sont détruits notamment par les extractions de granulats, par les chantiers, les exploitations des ressources naturelles.

Le territoire se trouve fragmenté par les voies de circulation, il n'y a plus de corridor pour les animaux ce qui accélère la diminution des espèces. Celles-ci se trouvent cantonnées dans des îlots ce qui réduit les possiblités de croisements génétiques avec des risques de dégénérescence.

L'homogénéisation des territoires produit la destruction des espèces spécialistes au profit des espèces généralistes, qui sont celles qui s'adaptent le mieux et dont l'homme est la caricature par excellence.

Les phénomènes de pollution se développent : déchets, gaz d'échappement, eaux usées, carburants, huiles...

Un arsenal administratif et juridique existe pour tendre à réparer les dégâts subis par la nature mais il est illusoire de viser une restauration écologique qui produirait le retour à un état initial.

Les solutions déployées sont toutefois intéressantes et produisent des effets non négligeables.

En premier lieu on trouve la législation. La connaissance du droit aujourd'hui est une arme véritable pour résister aux tentatives de surexploitation de la nature.

Le Grenelle Environnement en 2007 a posé un certain nombre d'orientations sur la restauration de la biodiversité, sur la mise en place d'une trame bleue et verte constituée de l'ensemble du maillage de corridors biologiques ou écologiques et de réservoirs de biodiversité ainsi que de zones-tampon « espaces naturels relais ». Le Grenelle de l'Environnement est aussi à l'origine des schémas régionaux de cohérence écologique. Ces SRCE concernent l'aménagement du territoire et la protection des ressources naturelles notamment celle de l'eau. Ils incluent des objectifs chiffrés.

On peut aussi se référer à la loi de modernisation de l'agriculture de 2010, qui vise notamment à réduire de moitié à l’échelle nationale d’ici 2020 le rythme d’artificialisation des terres agricoles.

Les documents d'urbanismes comme le SCOT schéma de cohérence territoriale, dont les objectifs ont été renforcés par la loi Grenelle 2 de 2010 détermine, à l’échelle de plusieurs communes un projet de territoire visant à mettre en cohérence l'ensemble des politiques notamment en matière d’habitat, de mobilité, d’aménagement commercial, d’environnement et de paysage.

Le renouvellement urbain dans ce cadre privilégie la construction sur des zones qui ont déjà été construites, la densification urbaine est également pensée comme moyen d'éviter la surexploitation des terres.

Le développement des transports en commun, celui de l'habitat écologique, le bâti sur pilotis,  les alternatives au granulat avec des matériaux poreux comme la fibre de verre se développent. Ils contribuent  à la désimperméabilisation des sols.

Le retard pris dans certains recyclages est considérable. Ainsi celui du granulat qui pourtant représente une fraction importante de l'exploitation des terre est actuellement quasi inexistant puisque seulement 5% du béton en France est issu du recyclage.

L'insertion de zones de natures dans la ville s’accroît  à travers, la création de ceintures vertes qui préservent des zones de nature et contiennent l'univers urbain, les trames vertes et bleues qui sont des espaces à reconnecter entre eux, des passages pour hérissons, des espaces verts et rues arborées, des toitures végétalisées, la redéfinition de paysages urbains où sont intimement imbriquées des zones embroussaillées et des zones contrôlées, jardinées.

La pratique des "seed bombs", bombes de graines se développe. Elle est née à New-York en 1973, initiée par des habitants désireux de réintroduire de la nature dans les espaces abandonnés et minéralisés de la ville. C'est un concept de guérilla jardinière qui se répand aujourd'hui en France.

Des expériences d'agriculture urbaine se multiplient. Ainsi l'innovation de l'association "les incroyables comestibles" née en Angleterre en 2008 se répand en France avec la mise à disposition dans les villes de jardinières pour la plantation collective de légumes pouvant être consommés par tous. Avant d'être une solution d'auto suffisance alimentaire, cette initiative a un rôle pédagogique.

D'autres expériences naissent comme les jardins partagés, les cultures sur toits, l'apiculture en ville qui produit davantage (environ 30 k de miel par ruche) parce qu'il fait plus chaud en milieu urbain et que les fleurs y sont plus nombreuses et les pesticides moins présents.

Si vous aussi avez envie à votre échelle de contribuer à cette démarche de "recohabitation" entre l'homme et la nature, à travers ces trois mots clés : Eviter, Réduire, Compenser, vous pouvez vous inspirer du Guide "biodiversité et quartiers" de la LPO. Vous trouverez ainsi des éléments pour agir et pour diffuser la connaissance et sensibiliser autour de vous.

Merci à Nicolas pour son intervention très documentée. Guyveline

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