Retour sur la sortie à la Réserve Naturelle Nationale du Bagnas
C’est à la Maison de la Réserve le samedi 21 janvier 2017 que treize adhérents de la LPO Hérault se sont donné rendez-vous ce samedi matin. Matthieu, l’animateur nature de la réserve, nous y accueille avant de nous guider au bord de l’étang du Grand Bagnas, entrée de la réserve que l’on ne peut parcourir qu’avec un guide. De ce point d’observation nous embrassons la lagune et sa roselière avec en toile de fond le mont Saint-Loup. Et déjà les vols d’un Busard des roseaux, de deux Hérons cendrés et d’un Grand cormoran mettent en ordre de marche jumelles et longues-vues !
Matthieu nous conte l’histoire de ce lieu qui dans les années 1970, coincé entre les stations balnéaires du Cap d’Agde et de Marseillan-Plage, attisait la convoitise des promoteurs immobiliers et devait accueillir entre autres, un grand parc d’attractions. La forte mobilisation de la population du pays, coordonnée par l’Association de Protection de la Nature d’Agde-Vias-Portiragnes aboutit après de longues années de lutte, à la création, en 1983, de la Réserve naturelle nationale du Bagnas, site déclaré depuis Zone Natura 2000.
C’est l’ADENA – Association de défense de l’environnement et de la nature des pays d’Agde, ex APN – associée à deux cogestionnaires, la Communauté d’Agglomération Hérault Méditerranée et la ville d’Agde – qui gère ce véritable poumon vert de près de 700ha appartenant au Conservatoire du littoral, d’une richesse exceptionnelle tant faunistique que floristique. Mathieu nous décrit les différents milieux, associés notamment à l’historique du site : anciens salins d’où de nombreux ouvrages hydrauliques (digues, canaux, roubine, martelières permettant la gestion des niveaux d’eau des lagunes), anciens bassins d’élevage de loups de mer et d’anguilles, ripisylves, sansouires, friches, prés salés, sans oublier la plage.
En 2016, un assec de la lagune a été provoqué avec pour but la régénération des roseaux. Peu à peu les espèces animales réinvestissent les lieux, ce qui explique peut-être le moindre nombre d’espèces observées depuis. De riches échanges s’engagent, notamment sur les oiseaux fréquentant les roselières et les ripisylves, Héron pourpré, Bihoreau gris, Blongios nain, Butor étoilé… Malheureusement, ce dernier ne semble plus nicher et son chant n’a pas été entendu en 2016.
Nous pénétrons dans la réserve. Il fait froid mais le soleil brille et il n’y a pas de vent : de bonnes conditions d’observation pour les passionnés ! Les bords de l’étang sont gelés. Bergeronnettes grises et ce que nous pensons identifier comme des Pipits farlouses cherchent activement leur nourriture sur la glace. C’est très amusant de les voir exercer leurs talents de patineurs ! Mais nous pensons aussi à leurs pauvres petites pattes !
À quelques dizaines de mètres de la berge, une centaine de Foulques macroules en groupe compact, voguent, piquant de temps en temps une tête à la recherche de quelque végétal aquatique. Un observateur très attentif - merci à lui ! –découvre, perdu au milieu du groupe, un petit canard plongeur noir aux flancs blancs. C’est un Fuligule morillon très occupé à pêcher. Quelques Grands cormorans, posés sur des piquets de bois au milieu de l’eau, sèchent leurs ailes. D’autres volent, quand le regard des observateurs se pose sur le vol de trois gros oiseaux au cou bien droit : trois Grues cendrées ! Un Busard des roseaux survole à faible hauteur la roselière. Un petit groupe de Fuligules milouins se pose sur l’eau.
Tout au long du chemin Matthieu partage ses connaissances du milieu : là deux entrées de Blaireau, ici une touffe de Narcisse à bouquet Narcissus tazetta en fleurs, là les feuilles comestibles à la saveur piquante de la Roquette sauvage Diplotaxis tenuifolia, à ne pas confondre avec le Diplotaxis erucoides couvrant de ses fleurs blanches les vignes. À l’abri des tamaris, une Fauvette mélanocéphale s’agite tandis qu’une Bouscarle de Cetti, cachée dans la phragmitaie, pousse son cri éclatant, peut-être à notre adresse, à nous qui pénétrons son territoire. Le long de la berge d’en face, un Ragondin nage tranquillement. Pour protéger la faune indigène, ce petit mammifère, qui a été introduit en France pour sa fourrure au XIXème siècle et qui n’a pas de prédateurs, doit être régulé tout comme les sangliers.
Au milieu de l’étang barbotent les Tadornes de Belon plumage bariolé et bec rouge écarlate, le commun Canard colvert en nombre, le Canard souchet au bec en forme de spatule – lequel nous explique notre guide, lui sert à filtrer l’eau et retenir plancton et petites proies – quelques Canards chipeaux au sobre plumage gris, un Canard siffleur, corps gris, tête brune. Parmi eux, six Cygnes noirs, espèce exogène, ne passent pas inaperçus. Un Cygne tuberculé vogue plus loin, seul. Alors que nous poursuivons notre promenade le long d’un canal, un oiseau jaillit de la végétation bordant la rive, zigzague et prend de la hauteur : c’est une Bécassine des marais qui, dérangée, fuit à toute allure !
Matthieu sait qu’un Balbuzard pêcheur hiverne sur la réserve et qu’il y a ses habitudes mais, en cette fin de matinée point de Balbusard ! Seule une Buse variable est à l’affût. Le groupe continue à prendre du plaisir à observer toute cette faune, qui vaque, tranquille, se sentant en sécurité. Matthieu nous parle alors de la Cistude d’Europe Emys orbicularis, tortue ayant fait l’objet d’un programme de réintroduction. En 2006 vingt-six tortues furent relâchées dans la réserve puis en 2012 quarante-cinq jeunes de quatre ans, parmi lesquels dix-huit furent équipés d’émetteurs. C’est ainsi qu’au cours du comptage 2016, trente-sept individus furent repérés. La présence d’amphibiens rares est aussi évoquée dont le Pélobate cultiprède Pelobates cultiprede, espèce menacée de disparition, qui vit autour d’une petite mare du Bagnas. Les mesures de gestion sont aussi détaillées : les comptages hebdomadaires, les baguages, la gestion des niveaux d’eau en fonction des saisons, niveaux d’eaux qui conditionnent entre autres la nidification des espèces telles que le Héron pourpré et le Butor étoilé, le travail avec les agriculteurs du bassin versant… Mais voilà que le Balbuzard est arrivé sur son perchoir habituel, un vieux poteau au bord de la berge de l’autre côté de la lagune. Les yeux sont rivés sur les jumelles et les longues-vues. Nous pouvons prendre le chemin du retour. Les Canards siffleurs, Canards chipeaux n’étaient pas en grand nombre, les Sarcelles d’hiver étaient sur un autre lieu mais qu’importe, nous avons beaucoup vu et beaucoup appris. Merci Matthieu.
Micheline Blavier Vice présidente LPO Hérault
Pour consulter le site de l’ADENA et notamment les résultats des comptages : bagnas.n2000.fr