Avec un effectif de 7 couples nicheurs avec succès, cette année 2016 confirme l'état catastrophique de la population française de Pie-grièche à poitrine rose (Lanius minor) avec une deuxième année à 7 couples. Ces dix dernières années, bien que la régression de la population fût notable, une lueur d'espoir s'était allumée en 2014 avec une augmentation des effectifs nicheurs à 25 couples, chiffre qui n'avait plus était atteint depuis 2007.
Force est de constater que les habitats de l'espèce dans notre région ne sont pas la cause de cette lente disparition. En effet, après plus de 15 ans de suivi de l'espèce, d'étude et de conservation de ses habitats dans l'Hérault et dans l'Aude (derniers bastions de l'espèce), les habitats favorables à cette espèce bien qu'en régression notable, sont toujours présents. Tandis que la trop rare Pie-grièche à poitrine rose continue de se faire désirer…
La vérité est semble t'il ailleurs…
Comme nombre d'espèces inféodées aux milieux agricoles, la PGPR (de son diminutif technique) a souffert (et souffre toujours ?) de l'atlantisation du climat, de l'intensification de l'agriculture qui va de pair avec l'utilisation systématique des pesticides, mais il semble encore que ces paramètres ne soient qu'une partie de l'équation de la conservation de l'espèce dans notre pays... Et dans nos pays voisins, tels que l'Espagne qui par son programme de réintroduction maintient tant bien que mal les derniers couples (1 à 2 couples issus du programme de réintroduction en 2016) ou encore l'Italie qui voient sa belle population décliner également (entre 1000 et 2000 couples en 2004 mais près de 20 % de diminution en 10 ans).
Depuis quelques années, les experts s'accordent sur une influence prépondérante des conditions de migrations et d'hivernage de cette espèce, qui passe l'hiver en Afrique du Sud où ses quartiers d'hiver font peu à peu place à des cultures intensives et nous revient après un trajet de plus de 11000 km (aller/retour) par le détroit du Bosphore en traversant l'Égypte et ses filets meurtriers et d'autres dangers dont nous n'avons même pas connaissance. Le résultat est vraisemblablement une contraction de l'aire de répartition de l'espèce avec pour premières victimes les populations des pays en bordure de cette aire, soit l'Espagne, bientôt la France, puis certainement l'Italie.
Et maintenant ? Soit nous continuons de faire ce que nous pouvons chez nous et nous avons de grandes chances d'assister à la disparition de l'espèce de notre pays dans les 10 prochaines années, soit nous essayons également d'élargir notre horizon et de travailler en collaboration avec les pays concernés à court et à moyen terme.
Nous travaillons actuellement à développer cette seconde option qui nous paraît la plus viable, mais aussi la plus compliquée.