Plaidoyer pour les insectes

Plaidoyer pour les insectes

Si ce 25 mars 2016 vous aviez encore des doutes sur la capacité de nuisance de l’homme, si vous lui trouviez des circonstances atténuantes, l’exposé de Jacques ne pouvait que vous convaincre de sa détermination coûte que coûte à maîtriser la nature à son avantage sans, dans le meilleur des cas, en mesurer les conséquences, en les minimisant ou en les considérant comme très relatives face au profit qu’il pourrait en tirer.

Cette soirée fut consacrée aux insectes, un groupe animal peu connu et peu respecté du commun des mortels.  La consultation du dictionnaire vint  confirmer ce mépris puisqu'on désigne par « insecte » de façon péjorative un être insignifiant.

Pourtant, l’insecte joue un rôle considérable pour le développement de la vie sur terre et notamment pour la nôtre. Sa diminution constante depuis les dernières décennies est un indicateur de la mauvaise santé de notre environnement. Alors que nous ouvrions les yeux sur cet univers nous en mesurions toute la fragilité et l’urgence à devoir, pour tous, le protéger.

Depuis 1950 si aucune espèce d'insectes n’a disparu, nombreuses sont celles qui ont vu leurs populations s’effondrer.

En France, les invertébrés (les insectes, mais aussi les mollusques, les crustacés, les arachnides et les myriapodes) représentent 98% de la faune et 58000 espèces, parmi eux, 61% sont des insectes et représentent 35270 espèces.

Dans une forêt de feuillus si l'on considère les trois types de consommateurs (primaires, secondaires et secondaires supérieurs) l'on constate que les consommateurs secondaires et primaires représentent 600 kg de lombrics (2 millions), 400 kg d’invertébrés, 1 kg d’insectes et des millions de bactéries alors que les secondaires supérieurs ne représentent qu'1,3 kg d’oiseau, 1,7 kg de reptiles, 2 kg de grands mammifères et 5 kg d’autres mammifères, ce qui est très peu.

Pour  7000 espèces animales, 5300 sont des insectes, soit plus de 75%.

Mais qu'est-ce qu'un déclin ? Le déclin correspond à la baisse du nombre d'individus, accompagnée du rétrécissement de leur territoire. Les invertébrés sont les plus touchés par le phénomène.

Quelles en sont donc les causes ?

Les modes de culture ont changé, on est passé du bocage à la monoculture. Les engrais chimiques se sont répandus, riches en azote ils ont favorisé les espèces nitrophiles au détriment des autres plantes.

Le chaulage a fait baisser l'acidité des sols et avec elle les espèces acidophiles.

Plutôt que d'adapter les plantes au terrain, l'agriculture a voulu adapter le terrain à la plante recherchée en utilisant des germicides, des fongicides, des insecticides, détruisant les espèces et stérilisant les sols.

La monoculture en standardisant et uniformisant les productions a appauvri les milieux. Le démembrement les a détruits  provoquant des pertes d'espèces.

L'élevage est devenu intensif, l'épandage des excréments s'est généralisé pour la fertilisation des sols, mais un excrément épandu n'a pas les mêmes caractéristiques que celui qui est produit directement par l'animal, sa forme, son humidité diffèrent, leurs effets par voie  de conséquence aussi.

L'urbanisation est galopante, plus de 25% des habitants en France habitent dans des villes, 40% dans des espaces urbanisés, tous les 7 ans actuellement disparaît l'équivalent d'un département français sous l'urbanisation.

La production de matériaux, l'extraction minière détruisent les milieux, la pollution lumineuse représente un piège mortel pour les papillons.

Les déchets que nous produisons contribuent à alimenter une pollution galopante.

La plupart des communes adhèrent à l'EID, Entente Interdépartementale pour la Démoustication du littoral méditerranéen, qui condamne non seulement les moustiques mais tous les insectes qui ont quasiment disparu sur le lido. Sur son site (eid-med.org), l'EID explique :

« Il y a 30-40 ans, le littoral méditerranéen français n'était pas celui que tout le monde connaît aujourd'hui. Les villes, les campagnes et les plages risquaient de passer à côté de sérieuses opportunités de développement économique et touristique. »

Devant cette urgence de gains, la question de la disparition de toute une faune considérée comme nuisible paraissait bien dérisoire.

Les routes tuent elles aussi des milliers d'insectes chaque année. Une étude de l'INRA datée de 1991 annonçait le chiffre de 2 millions de morts par véhicule et par an, soit environ 50 000 milliard par  an

(Jean-Pierre Chambon Directeur de Recherche à l'INRA de Versailles - revue INSECTES n°88 - 1993).

Souvenez-vous des années 60-70, des traces de carnage sur les pares brises les nuits d'été.

Une étude aujourd'hui ne donnerait sans doute pas les mêmes résultats, beaucoup d'insectes ayant été décimés. 

Après avoir identifié les raisons du déclin, Jacques nous fit prendre conscience d'un autre phénomène plus dramatique encore qui est celui de l'effondrement.

L'effondrement se caractérise par une accélération brutale de la disparition des populations sur une échelle très courte de temps.

Ainsi, les pesticides (le mot vient du latin pest nuisible et cida tuer, tout un programme...) ont été légion au XXème siècle : insecticides, molluscicides, nématicides, helminthicides.

Parmi eux  les organo-chlorés et organo-bromés, et le célèbre DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane). S'il a effectivement contribué à sauver des populations d'épidémies en éliminant des arthropodes vecteurs de maladie tel le paludisme et tel le typhus,  son utilisation dans l'agriculture comme insecticide a été très contestée. Jugé cancérigène et reprotoxique (toxique pour la reproduction), il a été progressivement interdit dès les années 70. Pourtant il reste aujourd'hui utilisé dans des pays où le paludisme est endémique.

Dans la famille des pesticides, les PCB (polychlorobiphényles), plus couramment appelé Pyralène se trouvent encore dans des transformateurs, dans des colles, ils sont considérés comme toxique, écotoxiques, et reprotoxiques. L'alimentation représente 90 % de l’exposition totale à travers des produits d'origine animale comme le poisson, la viande, les œufs, les produits laitiers.

On trouve aussi, les dioxines, les pyréthrinoides, très toxiques pour les chats et les animaux à sang froid mais qui se dégradent heureusement très vite.

Les organophosphorés ont été le fruit d'une recherche sur les gaz de combat (gaz sarin). Le malathion (neurotoxique) et le roundup  qui font l'objet des polémiques aujourd'hui en sont le fleuron.

Souvenons-nous de l'incendie en 2006 de l'usine SBM, produisant des produits phytosanitaires  à Béziers, qui prospéra 11 jours, brûlant 2000 tonnes de ces « inoffensives » substances.

Les avermectines qui ont des propriétés helminthicides sont aujourd'hui administrées de façon préventive et systématique à tous les animaux d'élevage même à ceux qui ne présentent aucune pathologie, entraînant avec eux, même dans les endroits les plus reculés la destruction des espèces coprophages et aquatiques. Un traitement en une fois suffisant parfois à farcir l'animal du produit pendant un an.

Les néonicotinoïdes sont les plus toxiques, elles agissent sur le système nerveux central des insectes, elles ont une longue persistance et contaminent dans la durée. C'est le cas du gaucho, 7000 fois plus toxique que le DDT.

Alors puisque l'homme ne s'alarme qu'à condition d'être touché lui-même par les phénomènes de destruction qu'il génère, la première conséquence qui l'inquiète est celle de la baisse considérable de l'abeille domestique.

Mais sans doute a-t-il oublié que cette abeille n'est qu'une espèce parmi  1000 autres et que tous les butineurs sont concernés par la menace.

L'abeille domestique est une abeille fabriquée pour produire, elle est appauvrie génétiquement, affaiblie, elle ne résiste plus à ce qu'elle supportait autrefois comme le varroa (acarien). Mais l'abeille dont l'image est positive, parce qu'elle produit du miel dont nous nous délectons, butine tout et tout le temps en élevage intensif provoquant la baisse des populations d'autres invertébrés.

Des espèces de plantes liées spécifiquement à certaines espèces d'insectes pour leur reproduction risquent de disparaître.

Depuis 1990 la diminution des insectes, coléoptères,  lombrics, crapauds, lézards, chauves-souris, mammifères... ne fait que s'accroître.

Peu d'études sont financées aujourd'hui sur ce sujet, qui n'est pas reconnu à la hauteur des risques.

Alors devant ce constat assez désespérant sur cette capacité de destruction massive de l'homme faut-il se contenter de lamentations ?

Jacques nous propose des solutions : elles seraient courageuses à mettre en œuvre par les politiques et permettraient de sortir d'un état de dépression latente.

Interdire les néonicotinoïdes, passer à l'agriculture biologique, favoriser le remembrement, abolir l'élevage intensif, abolir l'enrésinement, promouvoir les forêts mixtes, interdire les plantations d'espèces importées, contrer l'artificialisation avec des immeubles collectifs, en stoppant les programmes routiers. Réserver les panneaux solaires aux zones artificialisées. Il faudrait aussi accroitre le « poids » des invertébrés dans les politiques de protection de la nature, faire un moratoire sur les cultures d'OGM, et les arbres transgéniques.

Le long des routes il faudrait plutôt faucher que broyer, diminuer l'éclairage public et utiliser des ampoules à vapeur de sodium.

Chacun à son niveau peut y contribuer dans sa vie de consommateur en mangeant moins de viande, en utilisant moins de lait, en supprimant les phytosanitaires dans son jardin, en pratiquant une « biodiversité positive ».

Et ne vous y trompez pas, être bon vivant ce n'est pas boire et manger en excès ce qu'on arrache à la terre malgré elle, c'est trouver du plaisir à se sentir lui appartenir dans une relation harmonieuse aux autres et notamment aux plus petits, qui ne nous ressemblent pas.

Alors si  ce modeste texte vous a donné envie d'en savoir plus, rendez-vous à l'association de Jacques qui propose conférences et sorties passionnantes  sur le terrain :

www.biodev-mlhl.org

Guyveline

Partager
Share

Les commentaires sont clos.