Pies grièches à tête rousse

Pies grièches à tête rousse

Rendez-vous avec les Pies grièches 

"En quelques jours, les vergers ont déployé leur pavois blanc. Chaque branche est une dentelle de corolles innombrables, une offrande émouvante et fugace. Déjà, les pétales tombent des pruniers, mais les cerisiers et les poiriers prodiguent leur floraison et les boutons roses des pommiers se gonflent à vue d'œil. Les insectes en fête ont répondu à l'appel et bourdonnent de toutes parts. Parmi ce jaillissement de fleurs presque irréel, les oiseaux semblent s'épanouir aussi, tant leurs couleurs s'avivent. Regardez ces Mésanges bleues affairées autour des bouquets floraux, le Pic épeiche qui inspecte l'écorce, ce rouge-queue à front blanc et ce pinson qui prennent figure d'oiseaux exotiques. Et là-haut, dans les fleurs et les jeunes feuilles à la cime du poirier le plus élevé, la Pie grièche à tête rousse fraîchement revenue d'Afrique pour retrouver le verger, son domaine. Au premier coup d'œil, vous l'aurez reconnue à son bonnet roux marron velouté descendant sur la nuque, à son plumage bariolé noir et blanc, très contrasté." (1)

Ce soir du 05 mai 2017 Chantal nous entraîne dans l'univers de ce joli passereau au ventre blanc dont certaines  pratiques alimentaires contrastent avec la couleur immaculée. Au risque de vous    faire frémir je vais vous dévoiler la manière dont  la pie grièche constitue ses réserves. De la  famille des Laniidéés, elle est  du genre Lanius dont la traduction par "boucher" ou "bourreau" nous inquiète déjà.

En effet afin de constituer un garde-manger qui pourra être utilisé en cas de mauvais temps, elle empale parfois ses victimes, insectes, lézard, grenouilles et éventuellement jeunes oiseaux ou petits rongeurs, sur des épines ou des barbelés appelés lardoirs. "A voir l'étal d'une pie grièche dans un buisson on se demande si ces oiseaux ne sont pas les ancêtres des collectionneurs entomologistes!" (2)

Mais nous ne lui en tiendrons pas rigueur, et ne prendrons pas pour un masque de bandit ces bandeaux noirs qui décorent sa tête d'autant plus que cette pratique n'est pas systématique, et que tous les individus ne s'y adonnent pas...

Les Pies grièches représentent 26 espèces dans le monde dont 5 en France : la Pie grièche écorcheur, à  poitrine rose, méridionale, grise et à tête rousse.

Elles se caractérisent toutes par un masque facial sombre, un bec crochu, l'attachement aux milieux ouverts avec des arbres pour se percher et chasser à l'affut.

Les  couples arrivent parfois déjà formés pendant les haltes migratoires et sont monogames. Peu prolifiques, ils ne pondent qu'une fois dans la saison.

La Pie grièche à tête rousse se décline quant à elle en 3 sous espèces.

Aucune ne présente de dimorphisme sexuel. La gorge, la poitrine, et le ventre sont blancs ce qui la  rend bien repérable lorsqu'elle est  perchée. Il est plus difficile de la débusquer à l’oreille malgré un chant caractéristique sec, rocailleux et saccadé.

L'espèce méridionale migre en Afrique tropicale et au sud de l'Arabie, elle affectionne  différents types de milieux:

Des zones plus ou moins désertiques avec des arbres mais aussi  les vergers, les pelouses sèches pâturées. Elle y trouve moult insectes sur le bétail et le poil nécessaire à la fabrication de son nid.

65 à 80% de ses proies sont capturées au sol mais elle ne les tient pas dans ses pattes comme les rapaces.

On la rencontre aussi dans le milieu agricole, dans les vignes, les friches, et dans la garrigue près  de Montpellier.

Elle est présente dans la plaine languedocienne, et jusqu'à 1000m dans le causse noir.

Elle est fréquente en Espagne, au Portugal et au Maghreb.

Comme pour beaucoup d'espèces, elle subit une forte  régression depuis les années 60 et comme toujours les causes du déclin sont à rechercher dans la transformation et la fermeture des milieux, la modification des habitats, l'agriculture intensive, le réchauffement climatique, les mauvaises conditions climatiques (problème pour les jeunes) et enfin la prédation dont elle est victime notamment pendant sa migration, avec pour exemple les piégeages aux filets en Egypte.

Un plan national d'action a été mis en place en 2012, il concerne 5 espèces.

En 2012, les chiffres indiquent la présence d'environ 10000 couples de pies grièches à tête rousse en France, la moitié se trouvant dans le Languedoc Roussillon.

Nous avons donc la chance de pouvoir la surprendre perchée sur quelque branche sèche, affairée à surveiller la présence des petites proies qu’elle rapportera à sa nichée ou conservera précieusement sur son lardoir.

L’histoire ne nous dit pas si comme l’écureuil, après avoir constitué ses réserves, elle les oublie  parfois, faisant alors le bonheur d’éventuels autres prédateurs en quête de protéines… Guyveline

1 Paul Géroudet, les passereaux d'Europe Tome 2, Paris, Delachaux et Niestlé, 2010,  p. 254-255

2 Paul Géroudet, les passereaux d'Europe Tome 2, Paris, Delachaux et Niestlé, 2010,  p.242

Partager
Share

Les commentaires sont clos.