Chats et biodiversité

Chats et biodiversité

L’impact des chats sur la faune sauvage

Parce que nous ne sommes pas à l’abri des paradoxes, beaucoup d’entre nous, amateurs d’oiseaux, entretiennent également à leur domicile un ou plusieurs petits félins de compagnie,  qui bien que gavés de croquettes ou de pâtées ne renoncent pas à savourer quelques insectes, reptiles ou volatiles imprudents. Nous sous estimons bien souvent cet impact  bien qu’il nous contrarie.

Dominique ce vendredi avait entrepris de nous mettre face à nos responsabilités collectives. Oui, les chats sont des fléaux pour la faune, mais ne désespérons pas il y a aussi des moyens de réduire les risques  tout en préservant ce contact privilégié avec cet animal qui accompagne l’homme rural ou citadin.

Le chat domestiqué depuis 10.000 ans environ est un descendant du chat sauvage africain.

On peut identifier 4 catégories de chat :

-Le chat avec propriétaire

-Le chat errant

-Le chat haret, celui qui est retourné à la vie sauvage

-Le chat forestier, sauvage qui est menacé car il peut s’hybrider avec le chat domestique

Dominique nous parlera ce soir des 3 premières catégories, celles  qui nous préoccupent.

Quelques chiffres nous permettent d’évaluer d’emblée l’ampleur du phénomène

Les chats avec propriétaires étaient  12,7 millions en 2014, on constate une augmentation de 200.000 chats pas an avec un doublement de la population en 30 ans. Faut-il mettre en relation cette croissance avec celle des citadins qui exprimeraient ainsi le besoin de compenser, par le contact d’un félin, leur éloignement de la nature ?

 Le nombre de chat errants n’est pas aussi bien identifié mais on l’estime à 11 millions en 2011.

Un chat non stérilisé à une durée de vie de 6 à 10 ans car il est plus soumis aux risques d’accident et de maladie. Un chat stérilisé peut vivre de 14 à 18 ans, il est plus sédentaire. Le chat bénéficiant comme les humains des évolutions de la médecine voit sa durée de vie augmenter (augmentation de 18 mois entre 2006 et 2014)

Le chat reste un chasseur, même s’il n’a jamais appris à chasser et s’il est bien nourri. Dans des conditions naturelles, il consacre les 2/3 de son temps à cet exercice.

Le chat nourri aura un domaine vital plus réduit. D’autre part, il privilégiera la chasse par beau temps. Opportuniste, il chassera les proies les plus accessibles.

En ville on peut trouver de 200 à 500 chats au km2, en lien avec la densité de la population.

En milieu rural, on en trouve de 10 à 15 au km2 et ils apparaissent comme des auxiliaires des agriculteurs en s’attaquant aux petits rongeurs.

Plusieurs expériences ont été réalisées pour tenter d’estimer la prédation exercée par les chats.

Dans un village suisse en 2007 un comptage a été réalisé à partir des 32 chats présents sur la commune. 2,29 proies ont été rapportées en moyenne par mois et par chat, mais on peut noter que 5 chats ont rapporté 75% des proies.

En équipant les chats de caméras miniatures, on s'aperçoit que les proies rapportées ne représentent pas plus de 20 % des proies chassées. Les autres sont abandonnées dans la nature ou consommées sur place. Parallèlement on constate aussi que certains chats ont un instinct de chasse plus développé que d’autres.

Aux USA, une étude en 2013 a mis en évidence le fait que 12 à 24 % de la population d’oiseaux sauvages terrestres sont tués par les chats chaque année. 69% de cette mortalité est due aux chats errants. Pour comparer, on estime à 830 millions le nombre d'oiseaux victimes de différents types de collisions et à 234 000 ceux victimes des éoliennes. Quant aux petits mammifères, en moyenne 12,3 milliards seraient la proie des chats américains.

Le chat apparait donc sans que nous en ayons vraiment pris la mesure comme un risque non négligeable pour la petite faune sauvage.

Rapportée à la France, cette étude évaluerait à 14 oiseaux en moyenne, le nombre de victimes par an et par chat, ce qui représenterait pour 23 millions de chats, 322 millions d’oiseaux tués par an. La LPO évoque 62 millions d’oiseaux tués pour 9 millions de chats mais elle ne tient pas compte des chats errants et ses chiffres sont plus anciens.

Toujours pour notre pays, une étude sur l’éolien a évalué le nombre d'oiseaux victimes à environ 33 par éolienne et par an. La chasse, quant à elle, en tue plus de 30 millions par an.

Dans l’histoire, on a pu noter l’impact de l’introduction du chat dans des îles.

Ainsi le cas du Xénique de Stephens en Nouvelle Zélande apparait comme emblématique. Lors de la colonisation de cette île au XIX ème siècle, le gardien du phare s’est installé avec son chat. Il n’a fallu que 10 ans pour que le petit passereau, incapable de voler,  disparaisse définitivement du territoire.

En 200 ans plusieurs espèces ont disparu de cette façon. Aujourd’hui le chat, même s’il n’est pas le seul responsable, accentue la menace notamment sur l’Iguane aux Antilles, et sur le Pétrel de Barrau à la Réunion.

Des mesures radicales sont parfois prises pour éradiquer les espèces invasives, mais elles ne sont pas non plus sans conséquences.

Ainsi sur l’île Macquarie, dans les années 1970, une campagne d’éradication des lapins a été menée, les chats s’en sont alors pris aux oiseaux, ce qui a conduit le gouvernement à éradiquer le chat, ceci provoquant le retour du lapin et sa pullulation. En 2016, pour venir à bout de ce problème, le chat, le rat, la souris et le lapin ont été éradiqués, l’île a ainsi été rendue à la vie sauvage.

Le chat aujourd’hui est devenu une espèce envahissante, il est classé parmi les 100 espèces exotiques envahissantes parmi les plus néfastes au monde par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).

Il pose problème pour les espèces déjà menacées, notamment les vertébrés qui ont chuté de 58% entre 1970 et 2012 sous la pression anthropique.

Mais alors que faire ?

Annie, militante au sein de plusieurs associations de protection féline est venue nous éclairer sur certains points juridiques et nous faire partager son  expérience.

Tout d’abord mieux comprendre les rapports entre le chat domestique et la faune sauvage est utile pour la recherche de solutions. Des enquêtes participatives comme « Chat et biodiversité » menées par le Museum National d’Histoire Naturelle en partenariat avec la LPO permettent d’obtenir des informations sur la prédation et sur les caractéristiques des victimes.

La stérilisation s’avère une nécessité de même que l’entretien des griffes et la limitation des déplacements des chats à certains moments de la journée, notamment le matin quand les oiseaux se nourrissent. L’utilisation de clochettes, colliers, bavettes est possible mais pas toujours très efficace. Certains chats sont capables de saisir leur proie malgré ces accessoires qui parallèlement parfois les dénaturent.

L’installation de nichoirs sans branches latérales, de mangeoires dans des endroits dégagés, de stop minou sur les arbres sont recommandés.

Un jardin naturel ou des caches sont possibles pour les oiseaux ainsi que des brassées de rosiers peuvent être dissuasifs.

Changer les jeux du chat domestique pour le stimuler, de même que le punir quand il ramène une proie peuvent changer le comportement de certains individus.

Depuis 2013, il est obligatoire d’identifier son chat. L’abandon est assimilé à un acte de cruauté et est passible de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Il est également interdit de vendre un chat non identifié sur Le bon coin par exemple. Dans les départements où la rage sévit les chats emmenés par la fourrière peuvent être euthanasiés.

Parallèlement les colonies de chats dits libres sont protégées par la loi du code rural.

 L’article L. 211-27.du code rural indique que « Le maire peut, par arrêté, à son initiative ou à la demande d'une association de protection des animaux, faire procéder à la capture de chats non identifiés, sans propriétaire ou sans détenteur, vivant en groupe dans des lieux publics de la commune, afin de faire procéder à leur stérilisation et à leur identification conformément à l'article L. 214-5, préalablement à leur relâcher dans ces mêmes lieux. Cette identification doit être réalisée au nom de la commune ou de ladite association. La gestion, le suivi sanitaire et les conditions de la garde au sens de l'article L. 211-11 de ces populations sont placés sous la responsabilité du représentant de la commune et de l'association de protection des animaux mentionnée à l'alinéa précédent. »

A Montpellier la mairie fait appel à des  associations comme le Conseil de la Protection Féline de l’Hérault (le CPF 34), l’école du chat ou d’autres pour la stérilisation des félins.

Ainsi, 581 chats sont stérilisés par an sur Montpellier, ce qui est insuffisant compte tenu que 8000 chatons naissent par jour en France et que dans le sud les femelles ont des chaleurs de mars à novembre et peuvent avoir jusqu’à 4 portées par an.

Alors pour ceux qui avaient encore des doutes sur l’intérêt de stériliser leur petit compagnon, n’hésitez plus ! Si vous êtes sensibles à la faune sauvage, vous lui rendrez ainsi un  fier service, sans perturber votre animal qui ne verra que croitre sa longévité. Et si, autour de vous certains évoquent un coût trop élevé pour l’opération, sachez que l’association « Vétérinaire pour tous » propose la gratuité des soins aux plus démunis.  

Merci à Dominique et Annie pour leurs précieuses informations ce 2 décembre 2016.

Guyveline

 

 

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